Jérémy CHECLER
Jérémy CHECLER
« J’fais du rap par accident, j’ai que des vieilles chansons françaises dans la tête Mais j’avais besoin d’plus de mots pour développer mon truc (…)
Bon, y’a comme un bug de matrice
J’rêve de gloire depuis tout petit/Mais de vivre comme un ermite »
Extrait de « Bleu-Jaune-Vert »
Pas de besoin de round d’observation pour, d’emblée, attraper au vol quelques facettes de Checler qui accompagne ici ses élans introspectifs d’une lucidité couperet. Un garçon de paradoxe, timide au quotidien et déterminé dans son art, tiraillé entre le doute et la satisfaction de son ego, pessimiste et lumineux, décomplexé dans sa cascade de mots et insatisfait chronique, aussi branché Cabrel qu’Orelsan. Plus loin encore dans ce « Bleu- jaune-vert », morceau d’ouverture irrigué par une rythmique intrépide à la Arctic Monkeys et au refrain galopant : « C’t’album c’est un exploit / C’est dix gosses dans l’même corps ».
Le disque s’appelle Le mélange et aucune tromperie sur le titre. Parce que Checler fait partie de cette génération décomplexée qui méprise les classifications et explose les barrières avec une modernité appuyée, à califourchon entre le hip hop, le jazz, le rock, l’électro et la chanson. Ne pas s’enfermer dans un genre ou dans un flow monolithique. Chanter et rapper, ce n’est pas incompatible. Chez lui, une myriade d’enthousiasmes bigarrés s’étalonnant au sein de sa trajectoire : Brassens, Gainsbourg, Goldman, Queen, Metallica, Guns N’Roses, Hocus Pocus, Youssoupha. Liste non-exhaustive. Il y a aussi l’enfance à Aix-en-Provence (ancrage qu’il revendique fièrement dans Quand arrive mon train, morceau issu de son EP sorti en 2019 et sur lequel il injecte un sample du « Sud » de Nino Ferrer), les premiers textes écrits à l’âge de sept ans sur le modèle de ses idoles, la guitare deux ans plus tard – instrument devenu son plus fidèle allié – le groupe de pop- rock à l’adolescence, le cursus de musicologie, le fondations du projet solo à la majorité, la montée à Paris et le cycle Musiques Actuelles Amplifiées au Conservatoire. Il y a surtout là-bas la rencontre déterminante avec Elliott Sigg, fringant multi-instrumentiste et beatmaker. Son binôme, son complice. Le tandem se cherche, tâtonne, confronte ses influences respectives, fouille. Et trouve véritablement sa vitesse de croisière, il y a deux ans. Une complémentarité et une confiance de tout instant, Elliott étant même le seul à avoir droit de regard sur les textes.
L’écriture comme échappatoire. Pour clarifier, ressentir, ouvrir les yeux, faire le bilan. Checler raconte sa vie ou des histoires, soigne ses plaies, calme ses angoisses, balance ses vérités, affiche ses faiblesses avec une autodérision vacharde. Il n’a pas la culture du freestyle, plutôt celle de l’intransigeance et de l’affinage. L’amour des allitérations aussi. Prendre son temps pour trouver son ton. Dans ce Mélange, guitare mutine et échantillons acoustiques s’entrechoquent aux productions. Légèreté pop, matelas downtempo, psytranse, house se fondent dans le paysage et font jaillir des émotions contrastées. Tour à tour grave, enjoué, cynique ou propice aux sautes d’humeur, Checler cherche toujours une barre à poser à travers les rails. Fluide, joueur, imaginatif, humain, Checler préfère dynamiter les codes et le langage que fanfaronner. Et sa force de frappe ne manque pas de panache.
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